Jean pour A Kiss from UK
Faut-il visiter John o’Groats, l'endroit le plus au nord d'Ecosse ?

C’est souvent un des premiers lieux que l’on coche lorsqu’on prépare un road trip sur la North Coast 500. Situé dans le Caithness, tout au nord de l’Ecosse, John o’Groats a la réputation d’être le point le plus septentrional de Grande-Bretagne et la photo au côté du panneau commémorant cela est pour beaucoup un cliché incontournable d'un voyage dans ces terres du nord de l'Ecosse.
En plus de vous raconter la longue et drôle d'histoire de ce petit hameau, je vais vous dire ici ce que vous pouvez faire à John o’Groats et si visiter John o’Groats est vraiment si indispensable que cela lors d’un voyage dans le Nord de l’Ecosse.

L’histoire de John o’Groats
En 1496, le Roi Jacques IV accorde à un hollandais installé dans la région nommé Jan De Groot le droit exclusif d’exploiter une ligne de ferry reliant le nord des Highlands aux Orcades, récemment cédées à l’Ecosse par le Danemark en 1469.

Le tarif pour emprunter cette ligne avait été fixé par les autorités à un Groat, une ancienne monnaie qui avait cours en Ecosse.

Suite à l’octroi de cette franchise, De Groot commença à aménager les environs du port sur les terres qu’il louait au Clan Sinclair. Père de sept fils qui se disputaient ses faveurs en vue d’une fructueuse succession, Jan De Groot résolut le problème en faisant construire une maison octogonale avec huit portes, une pour chacun de ses enfants et une pour lui-même. Le salon était lui aussi orné d’une table octogonale pour qu’aucun membre de la famille n’ait le sentiment de présider l’assemblée.
Jan De Groot s’éteint en 1568 et fut enterré dans l’église voisine de Canisbay où sa pierre tombale se trouve encore.

Pendant les siècles suivants, ce lieu était référencé sous le nom de la ville de Duncansby et le port sous le nom de Ferry Haven. La maison, devenue une ruine au fil du temps, était connue sous le nom de Johnny Grott's House au 18ème siècle.
L’essor du tourisme à John o’Groats
Quand la ligne de chemin de fer finit par arriver à Wick et Thurso en 1874, les deux villes les plus importantes du Caithness, les touristes commencèrent à s’intéresser à cette région jusque-là isolée. Construit en 1875 par un membre du Clan Sinclair, le John o’Groats Hotel a été bâti à l’emplacement de la maison de Jan De Groot, qui n’était déjà depuis longtemps plus qu’une ruine, en s’inspirant de son architecture octogonale.

L’idée d’implanter cet hôtel tout au nord de l’Ecosse était d’attirer une clientèle qui, arrivant en train à Wick, séjournerait ici plusieurs jours pour profiter du grand air en se baladant le long des côtes ou en jouant au golf sur le parcours à 9 trous aménagé à côté de l’hôtel. Les riches familles britanniques venaient même alors jusqu’ici dans de petits avions pour frapper la balle sur ce green du bout du monde.

Voici une incroyable vidéo de 1926 qui va vous montrer à quoi ressemblait John o’Groats et son hôtel à cette époque.
Sentant l’opportunité, l’épicier du village, George Manson, décida de changer le nom du bureau de poste qu’il tenait en « John o’Groats » et d’y vendre les premiers souvenirs estampillé de ce nom évoquant le nord de l’Ecosse lorsque l’hôtel fut construit ici.

Pour attirer encore plus de visiteurs, on commença à dire de ce hameau qu’il était le point le plus au nord de Grande-Bretagne, honneur qui devrait pourtant être réservé à la Péninsule de Dunnet Head situé juste à côté. Au fil du temps d’autres commerces de souvenir vont venir se concurrencer ici dans cet endroit dont tous les petits britanniques apprennent le nom à l’école pendant leurs cours de géographie.

Tombé à l’abandon dans les années 90, l’hôtel a été complétement rénové en 2013 avec l’addition de plusieurs éléments d’inspiration nordique. Le coût de l’opération s’est élevé à 2 millions de Livres Sterling. Désormais appelé "The Inn at John O’Groats", l'établissement ne fait plus fonction d'hôtel mais propose des locations d'appartements et de lodges.

Un panneau indicateur devenu iconique du nord de l'Ecosse
En janvier 1960, Barbara Moore, une scientifique russo-britannique, militante végétarienne âgée de 57 ans, va entreprendre de relier en marchant les deux points les plus éloignés de Grande-Bretagne en ne s‘alimentant que de fruits, de miel et de noix.
Elle choisit John o’Groats comme point de départ même si dans les fait, les falaises de Duncansby, situées à l’ouest, doivent bien rajouter 2 ou 3 miles à ce trajet de 1407 kilomètres qui la fera arriver 23 jours plus tard à Land’s End, à la pointe des Cornouailles.
Inspiré par cette épopée, Billy Butlin, le magnat des camps de vacances en Grande-Bretagne, va promouvoir ce trajet longue distance en organisant une course et en promettant £1000 aux athlètes masculins et féminins qui finiraient en tête. A l’époque, cette somme permettait de s’offrir une maison.
C’est ainsi que le 26 février 1960, plus de 700 participants se retrouvent à John o’Groats pour prendre le départ. Dans la météo rude de l’hiver écossais, 150 personnes abandonneront dès le 1er jour d’une course prévue pour en durer 28 au maximum.
L’événement eut un retentissement colossal dans les médias britanniques qui s’enthousiasmèrent pour cette épreuve sportive insolite. La course fut gagnée en 14 jours par un habitant de Doncaster nommé Jimmy Musgrave pour les hommes et par une apprentie-coiffeuse de Liverpool, Wendy Lewis, qui arriva à Land’s End après 16 jours.
La notoriété de John o’Groats était définitivement établie et un photographe de Cornouailles va reproduire ici le même business qu’il exploitait déjà à Land’s End à l’autre bout de la Grande-Bretagne en installant en 1964 un panneau symbolisant l’emplacement du « Journey’s End » au point le plus haut de Grande-Bretagne sur un terrain privé.

Il fallait le payer pour pouvoir être pris en photo aux côtés du fameux panneau et on pouvait demander à y ajouter le nom de sa ville d’origine. Certains jours, le panneau disparaissait du paysage de John o’Groats quand le photographe qui l’exploitait décidait de rester à la maison, emportant le panneau avec lui.
De nos jours, la compagnie qui exploitait ce panneau a quitté les lieux faute d’avoir trouvé un remplaçant à l’ancien photographe et un nouveau panneau a été érigé en 2014 un peu plus à l’ouest suite à la rénovation de l’hôtel. Contrairement à Land’s End où la pratique est toujours en vigueur, plus besoin ici de sortir son portefeuille pour immortaliser l’instant.

Pendant longtemps, les visiteurs avaient pris l’habitude de recouvrir le panneau d’autocollants. Cette pratique est désormais interdite et ceux souhaitant laisser un souvenir de leur passage sont invités à coller leur stickers sur un panneau métallique situé non loin.
De même, se suspendre aux signalétiques n’est pas une bonne idée. La structure nécessite régulièrement des travaux de réparations à cause de cela et l’organisation qui veille au site n’hésite pas à afficher les photos des acrobates qu’elle trouve sur les réseaux sociaux en réclamant des dédommagements.
Avec le lancement officiel de la North Coast 500 en 2015, ce panneau est vite devenu l’emblème de cette route parcourant le nord de l’Ecosse et une étape obligatoire pour tous ceux qui font ce road trip.
Un essor touristique qui attire les critiques
John o’Groats a depuis de longues années attiré les critiques entourant son développement touristique.
En 2005, c’est Lonely Planet qui qualifie John o’Groats de « piège à touriste minable ».
Realm Urban n’y va pas avec le dos de la cuillère et décerne à John o’Groats lors du Carbuncle Cup 2010, un prix d’architecture écossais, le trophée de «la ville la plus lugubre d’Ecosse».

Conscient de cette réputation, la municipalité va alors tenter de faire des efforts pour améliorer l’image de John o’Groats.
