Visiter St Kilda, l'archipel le plus isolé d'Ecosse.
57° saisissants
A 65 kilomètres à l’ouest des îles de Lewis et Harris et de Barra, en plein milieu de l’Atlantique se trouve St Kilda, l’archipel le plus isolé d’Ecosse.
Ici, au large des Hébrides Extérieures, les vents incessants et un océan déchaîné ont donné à cet ancien volcan des reliefs d’un autre monde. Sur ces terres hostiles et inhospitalières, des familles ont pourtant construit leur foyer, des enfants ont joué au milieu des herbes hautes et des couples se sont aimés dans les habitations sommaires dont il ne reste plus que des ruines.
Oui il y a eu de la vie sur St Kilda, du moins jusqu’en 1930 quand les habitants ont demandé à revenir sur le continent, éprouvés par cette existence harassante dans ces conditions extrêmes qui leur rappelaient sans cesse que l’Homme n’avait pas sa place sur ces îles.
Bienvenue sur l’archipel de St Kilda, au 57° Nord, l’endroit le plus époustouflant d’Ecosse, doublement classé au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco à la fois pour son importance naturelle et culturelle.
St Kilda, l’archipel au million d’oiseaux qui ont fait des hautes falaises menaçantes leurs nids douillets.
C’est sur ces terres magiques et émouvantes de St Kilda que j’ai eu le privilège de vivre cinq jours à l’été 2019. Pour A Kiss from UK, je vous fais visiter St Kilda, une île d'Ecosse merveilleuse, désolée, déroutante et inoubliable où souffle encore l'âme de ceux qui l'ont habitée.
St KILDA
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L'aventure commence dès l'embarquement
En ce 1er jour de juillet, le cœur palpite un peu plus que d’habitude. C’est aujourd’hui le grand jour, non pas parce que c’est aussi celui de mon anniversaire mais parce que je m’apprête à voyager dans un endroit d’Ecosse qui me fascine depuis des années : St Kilda.
Un archipel qui me semblait tellement inaccessible quand j’essayais de le repérer sur les cartes. Comment se dire sérieusement que je pourrais un jour accoster sur ces terres minuscules qui semblent si seules au milieu de la masse bleue de l’Atlantique. C’est pourtant l’aventure que je m’apprête à vivre dans quelques heures en compagnie de 11 autres photographes.
Et pas pour une virée sur la journée, non. Je vais pouvoir m’imprégner de ces terres de l’extrême puisque je vais y rester 4 nuits à vivre dans les quelques maisons restaurées de l’ancien village de St Kilda.
5 jours à pouvoir arpenter les plus beaux endroits de cet archipel mythique chargé d’histoire et qui, aujourd’hui encore, fascine beaucoup d’Ecossais. Un vrai privilège quand on sait qu’habituellement la visite se fait sur la journée, avec 8 heures de bateau à subir pour seulement deux ou trois heures sur Hirta, beaucoup trop peu pour voir autre chose que la baie du village.
Je me réveille conscient de ma chance même si le départ pour St Kilda est un peu reporté. La veille au briefing, on a en effet appris que la traversée allait être décalée de quelques heures. Les conditions météo dantesques au matin allaient légèrement s’améliorer en début d’après-midi et nous permettre de rejoindre cet archipel même si le bateau risquait de sévèrement être secoué par les vagues de l’Atlantique.
Après un rapide déjeuner, on charge notre embarcation amarrée au port de Uig, sur l’île de Skye, avec toute la nourriture qu’il nous faudra pour le séjour et tout notre matériel photo. Il n’y a pas de supermarché sur St Kilda, pas même une épicerie ou un distributeur de boisson. Il faut donc tout prévoir et le bateau se remplit de vivres avant de s’élancer dans cet océan Atlantique immense.
La première heure de traversée du Minch jusqu’aux îles de Lewis et Harris, est plutôt calme mais, passées ces dernières terres, l’Atlantique nous secoue comme un glaçon dans un shaker, le bateau semble voler sur les crêtes des vagues avant de s’écraser sur les flots. Quelques personnes sur notre groupe de 12 commencent à se faire dominer par les éléments. Les trois heures de traversée restantes vont leur sembler durer une éternité.
Dans le ciel gris qui nous entoure, après un temps que plus personne n’est en mesure d’estimer, un rocher immense se dessine à l’horizon : l’île de Boreray sera le phare qui nous guidera pendant la dernière partie de cette expédition. Enfin la baie du village sur l’île principale d’Hirta apparait. Mais ce n’est pas de tout repos pour autant. Il faut tout décharger à l’aide d’un petit Zodiac car les bateaux n’ont pas le droit d’accoster directement sur l’île pour éviter que des rats ou autre nuisibles ne puissent venir envahir et détruire les centaines de milliers d’oiseaux qui y vivent paisiblement. Ce débarquement prend encore une bonne heure et enfin nous pouvons prendre possession de nos logements au cœur même du vieux village abandonné, dans les quelques maisons rénovées par le National Trust of Scotland qui vont devenir pour ces prochains jours notre lieu de campement.
Pas de réseau téléphonique, pas de wifi, pas de télévision. Nous voilà naufragés volontaires sur ces îles du bout du monde. Place à l’émerveillement.
L'histoire émouvante des habitants de St Kilda
Car aussi incroyable que cela paraisse, cette île d'Ecosse a été habitée pendant plus de 2000 ans de façon continue, de l’âge de Bronze à la fin de l’été 1930.
Si on n’a retrouvé que des vestiges des premiers habitants préhistoriques de l’archipel de St Kilda, les premières mentions écrites de ces îles remontent au 13ème siècle à l’époque où elles étaient habitées par des peuplades venues du Nord. En 1266, avec la fin de l’Ere Viking, St Kilda a été cédé au clan MacLeod de Harris et Dunvegan qui la posséda jusqu’en 1931.
On doit le premier récit de la vie des habitants sur St Kilda à Martin Martin qui visita l’archipel en 1697. Le mode de vie qu’il découvrit commença à écrire la légende de cet archipel du bout du monde.
Bien loin des préoccupations politiques et sociales du mainland écossais, les habitants de St Kilda avaient trouvé leur propre système pour administrer leur communauté. La vie du village s'organisait autour du Parlement journalier qui avait lieu dans la seule rue du village. Chaque matin après la messe, tous les hommes adultes de l'île s'y réunissaient et décidaient des activités du jour. Il n'y avait aucun chef et chaque parole avait la même importance.
A l'issue de cette réunion, chacun avait choisi à quoi il allait occuper sa journée. Certains partaient s'occuper du bétail ou faire des travaux d'entretiens. D'autres allaient s'adonner à une activité spécifique à St Kilda mais essentielle pour permettre à ses habitants de survivre...
Car dans ces lieux hostiles où aucun arbre ne pousse pour se chauffer, les terres ne permettaient que de cultiver quelques pommes de terre et un peu d’orge. Insuffisant pour nourrir les quelques dizaines d’habitants vivant ici. Ceux-ci se sont alors tournés vers une denrée abondante et inépuisable : les oiseaux. Les fulmars, macareux moine et autre fous de bassan devinrent vite leur nourriture quasi unique, les hommes n’hésitant pas à descendre au péril de leur vie le long des plus haute falaises du Royaume-Uni simplement attachés à une corde rudimentaire pour aller cueillir les oisillons dans leurs nids et ainsi subvenir aux besoins de la population. Une discipline dangereuse à laquelle les garçons étaient initiés dès leur plus jeune âge.
Les œufs et les oiseaux étaient alors stockés et mis à sécher dans un Cleit, une sorte de grenier en pierre unique au monde qui servait aussi d’entrepôt pour tout ce dont les St Kildans avaient besoin et qu’on surnomme parfois les pyramides de St Kilda. On compte plus de 1500 Cleitean sur l’archipel. C'est aussi dans l'un de ces celliers sommaires qu'a été détenue plusieurs années Lady Grange, la prisonnière de St Kilda dont je vous raconte l'histoire fascinante dans cet article du blog.
Quelques vaches et les moutons de Soay, variété spécifiques à St Kilda, étaient aussi élevés mais plus pour leur lait ou leur laine que pour leur viande. Pour percevoir sa dîme, le clan MacLeod envoyait chaque année un précepteur sur l'archipel qui faisait la longue traversée de plusieurs jours en chaloupe à rames. Il n’y avait bien sur aucun argent à récolter.
Au 19ème siècle, le mode de vie primitif de ces écossais du bout du monde commence à attiser la curiosité et des bateaux à vapeurs amènent peu à peu quelques touristes téméraires dès 1838 qui découvrent alors de leurs propres yeux St Kilda et ses insulaires qui vivent comme si le temps s’était arrêté plusieurs siècles auparavant.
Mais ce tourisme débutant n’a pas eu que du bon. S’il a permis d’apporter un peu d’argent à la communauté par la vente de quelques denrées alimentaires ou de tweed confectionné à partir de la laine des moutons de Soay, ces visiteurs ont aussi emmenés avec eux certains virus bénins qui, chez ces êtres qui n’y ont jamais été confrontés, sont ici devenus mortels. De plus le regard portés sur les St Kildans n’était pas toujours bienveillant, ces riches touristes les regardant plus comme des créatures curieuses que comme des concitoyens et faisaient ressentir aux habitants à quel point leur mode de vie était bien différent de celui du continent.
Le 19ème siècle a aussi été marqué par l’évangélisation de l’archipel de St Kilda. Si les premiers révérends envoyés sur l’île ont permis d’améliorer de manière significative les conditions de vie des habitants en réorganisant l’agriculture, en créant une école pour instruire les jeunes enfants ou encore levant des fonds pour construire des habitations plus modernes (celles dont on voit les ruines aujourd’hui), le révérend Mackay, arrivé du continent en 1865, bouleversa les habitudes des gens de St Kilda et amorça le déclin de cette communauté. Il instaura des règles strictes sur l’île, notamment la présence obligatoire aux services religieux où MacKay blâmait constamment les insulaires qui devaient garder le regard baissé et subir ses sermons. En plus de perturber la fragile routine quotidienne faite d’un travail permanent pour trouver de la nourriture et permettre de maintenir la vie sur ces terres désolées, cette oppression religieuse changea également le caractère des habitants de St Kilda réputés jadis pour leur bonne humeur et leurs chants joyeux. Le révérend McKay resta sur St Kilda jusqu’en 1889. Mais cette intrusion de l’Eglise dans la vie des habitants combinée aux confrontations régulières avec le monde moderne par le biais des touristes entama un bouleversement dans la vie de des St Kildans qui amorça un déclin irrémédiable….